Avec sa photo de la tour Eiffel, Christian de Brosses, photographe indépendant et assistant à « Paris-Match » depuis près de 15 ans, sort de l’ombre : en janvier, il signe la couverture du premier « Paris-Match » des années 2000.

Comment j’ai fait taire les autres photographes le soir du 31 décembre au pied de la tour Eiffel
Le 31 décembre 1999 au soir, pendant que la plupart des gens s’apprêtent à réveillonner, moi, je me prépare pour un tout autre festin : celui de la lumière et de la couleur. Pas question de rater le feu d’artifice du Trocadéro ! À 14 heures précises – oui, en plein après-midi – me voilà déjà sur place, prêt à défendre bec et ongles l’un des meilleurs spots face à la Tour Eiffel. Dix heures d’attente ? Un détail. En photographie comme en amour, la patience est une vertu.
Progressivement, d’autres photographes arrivent. Chacun installe son trépied, ajuste son matériel, vérifie son stock de pellicules. L’ambiance est studieuse, presque solennelle. Et puis, il y a moi. Je déballe mon Mamiya RZ 67, une véritable brique sur pieds, et sors précautionneusement mes rouleaux de Kodak Portra 400 VC. Silence dans les rangs. Quelques regards curieux. Un sourcil qui se lève ici, un hochement de tête dubitatif là. On me prend à part :
— Tu es sûr de toi ?
— Absolument.
Parce que, soyons honnêtes, pour mes collègues, choisir un moyen format pour photographier un feu d’artifice, c’est un peu comme vouloir escalader l’Everest en smoking. Mon boîtier, à la fois encombrant et exigeant, ne me laissera aucune marge d’erreur. Là où d’autres empilent les vues, moi, je vais devoir composer avec parcimonie, réfléchir chaque déclenchement. Bref, je mise tout sur la précision et l’intensité de la couleur.
La revanche du moyen format
Puis vient le grand moment. 23h59. Tout le monde retient son souffle. Minuit. Boum ! Le ciel explose en une symphonie de couleurs. L’air vibre, les détonations résonnent entre les façades de Paris, la Tour Eiffel se dresse, impériale. Je règle mon cadrage, ajuste ma mise au point et déclenche. Un claquement net, précis. Pas de rafale. Juste moi, mon œil et la mécanique parfaite du RZ 67.
Et là, la magie opère. L’espace d’une fraction de seconde, chaque explosion s’inscrit avec une netteté et une intensité incroyable. Le format 6 x 7 encadre idéalement le spectacle : pas de bouquets coupés, pas de Tour Eiffel étouffée par le cadrage. Juste une image équilibrée, vibrante, où la saturation naturelle du Portra 400 VC fait toute la différence.
L’instant de gloire
Quand le feu d’artifice s’achève, au pieds de la tour Eiffel, chacun range son matériel dans un silence presque religieux. Les pellicules sont précieusement mises à l’abri, les esprits encore marqués par le spectacle. Moi, je tiens mes deux rouleaux exposés comme un trésor. C’est plus tard, sur la table du rédacteur en chef de Paris-Match, que viendra la vraie récompense. Lorsque les couleurs éclateront sur le papier, pleines de nuances et de profondeur, il n’y aura plus aucun doute : ce pari fou, ce choix audacieux… c’était le bon.
Comme quoi, parfois, pour capturer la magie, il faut savoir oser l’improbable.

Christian de Brosses est un photographe portraitiste parisien, né en 1962. Après vingt ans de collaboration avec Paris-Match, où il a réalisé des reportages et des portraits de célébrités, il a fondé en 2005 son propre studio, « Le BeauKal« , situé au 22 rue de Dussoubs dans le 2ᵉ arrondissement de Paris.
Dans ce cadre, il propose des séances de portraits classiques et créatifs, mettant en valeur l’unicité de chaque individu.
Sa démarche artistique est présentée sur ce site : christiandebrosses.com
Pour découvrir davantage son travail et son approche, vous pouvez consulter son site web officiel.
Pour une présentation plus personnelle de son parcours, voici une vidéo où il partage ses débuts chez Paris-Match :